Une introduction « à la Colombo »

Voilà un truc que je propose à mes élèves de Première et Terminale concernant les introductions de nos exercices de « question problématisée » et de « dissertation » qui rappelons-le ne sont que des exercices scolaires que peu de gens utilisent dans la « vraie vie » -juste des Universitaires et des essayistes-.

Qui est Colombo ?

L’inspecteur Colombo, son vieil imper et sa 403 cabriolet

C’est le nom d’un inspecteur de police joué par l’acteur Peter Falk (1927-2011) dans une série policière américaine qui a été très populaire, diffusée et rediffusée aux Etats-Unis et en Europe : elle a commencé en 1968 (en 1972 en France) et jusqu’en 2003.

L’originalité de la série par rapport aux autres séries policières réside dans le fait que le spectateur connaît l’assassin dès le début de l’épisode. L’intérêt de l’intrigue consiste à comprendre de quelle façon l’enquêteur parviendra à démasquer le criminel. Voilà pourquoi on reste assis dans notre canapé pour comprendre comment Colombo va réussir à confondre l’assassin !

Une introduction « à la Colombo » est une une introduction de dissertation dans laquelle on répond déjà à la problématique à la fin de l’introduction en annonçant le plan avec les idées principales (c’est-à-dire les grands arguments) et non à la fin dans la conclusion. Et pourtant comme dans un épisode de Colombo, le correcteur va quand même lire la copie jusqu’à la fin ! Et en plus il risque d’être content !

Est-ce une bonne idée au lycée ? Oui !

Un professeur doit corriger beaucoup de copies, il est toujours pressé quand il corrige ses copies car, ce qui l’intéresse le plus, ce n’est pas la correction en elle-même mais de voir si ses élèves sérieux (ceux qui ont fait de leur mieux) ont progressé, si ce n ‘était pas trop difficile pour eux, à quel moment ils ont eu du mal puis de réfléchir au corrigé et à l’exercice qu’il va inventer la prochaine fois pour qu’ils continuent à progresser !

Notons qu’il se moque pas mal des élèves qui ne font pas de leur mieux et estime qu’il ne va pas perdre beaucoup de temps à mettre des appréciations qu’ils ne liront pas… Bref il se moque qu’on soit bon ou moins bon… il espère juste qu’on fasse des efforts et des progrès.

En attendant il a trop de copies pour avoir envie d’être surpris par une introduction tellement originale qu’on ne sait pas où elle va mener. Seul un écrivain a le privilège de pouvoir commencer un roman à sa guise, quand bien même le lecteur ne comprend rien pour l’instant car tout est dans ses allusions !

Mais attention l’écrivain peut aussi perdre son lecteur (voir l’article sur Les « 10 commandements » de Daniel Pennac qui explique qu’un lecteur a tout à fait le droit d’arrêter de lire si cela l’ennuie… pas un correcteur).

Cette introduction à la Colombo est encore plus efficace à l’oral car l’auditeur a besoin qu’on lui répète plusieurs fois ce qui important pour qu’il le retienne tandis qu’à l’écrit il peut facilement retrouver ce qui important grâce à l’aération du texte (et parfois aux titres).

Au lycée nous n’avons pas l’habitude de mettre des titres et des numérotations dans les copies d’histoire et de géographie ni en français ni en philosophie car ce sont des matières littéraires.

Par contre on découvre que dans l’enseignement supérieur 2 matières littéraires mais pragmatiques car tournées vers le présent mettent des titres de parties et sous parties et des numérotation : le droit dans les concours (ENA, ENM) et la géographie au concours de l’ENS Lyon et à l’Agrégation. Elles considèrent qu’elle font ainsi gagner du temps et de la clarté au lecteur.

Un exemple d’introduction à la Colombo sur la Chine

Le sujet était :

« En quoi l’essor économique de la République Populaire de Chine depuis les années 1980 entraîne-il des mutations spatiales et une métropolisation différenciée ? (il s’inscrit dans le programme de géographie de Première sur les thèmes I et IV)

La République Populaire de Chine est actuellement le premier pays au monde par sa population (environ 1,4 milliard d’habitants). Elle est en train de rattraper les Etats-Unis pour devenir la première puissance économique mondiale car elle connaît depuis les années1980 et l’essor de la mondialisation un développement économique accéléré. Mais en quoi cette évolution entraîne-t-elle des mutations spatiales avec l’émergence de métropoles qui certaines ont une influence mondiale et d’autres qui jouent un rôle important à l’échelle chinoise ?

Nous présenterons dans une première partie la situation de la Chine à la mort de Mao Zedong (1976), un pays largement rural, encore très pauvre et replié sur lui-même.

Dans une seconde partie nous montrerons que la Chine avec l’ouverture économique voulue par son nouveau dirigeant Deng Xiaoping (1978) commence par voir ses grandes villes littorales se développer à une allure stupéfiante (comme Shanghai ou Shenzhen) et connaître une très forte industrialisation.

Enfin nous montrerons dans une troisième partie que la Chine actuelle de Xi Jinping (depuis 2013) a désenclavé et modernisé les régions intérieures où se sont développées des métropoles régionales (Wuhan par exemple).

Cette introduction n’est pas du grand art sur le plan du style (le plan est annoncé lourdement mais au moins c’est clair) mais en attendant on a le squelette d’une argumentation avec 1 valeur chiffrée (population), 2 classements (1er par la population bientôt 1er sur le plan économique c’est inéluctable quand on a 1 milliard d’habitants de plus que la 1ère puissance actuelle) 3 dates clés liées à 3 hommes-clés (Mao Zedong, Deng Xiaoping et Xi Jinping) et 3 villes-clés (Shanghai, Shenzhen et Wuhan), autant d’éléments précis qui permettent de pouvoir argumenter.

Autre exemple Un exemple d’introduction de dissertation rédigée commentée en géographie générale (introduction à la Colombo dans une dissertation d’Hypokhâgne de 5 h)